Qui construira nos villes demain?
Qui construira nos villes demain? La filière bois ?
La population mondiale ne cesse d’augmenter, les zones urbaines se densifient et les espaces constructibles se raréfient, il devient donc urgent de réfléchir à de nouvelles solutions pour donner vie aux immeubles de demain.
Les ressources fossiles et les méthodes de constructions traditionnelles seules ne suffiront pas à maintenir le rythme de construction nécessaire à un développement urbanistique rationnel, durable et innovant.
A Libramont, nous sommes convaincus que la construction bois et plus largement la filière « forêt-bois » a un rôle décisif à jouer dans les mutations en cours. La Foire 2019 et le Demo-Forest qui a suivi ont lancé le débat, poursuivons ensemble la réflexion.
Les atouts du bois dans la construction
Le bois est un matériau vivant, chaleureux et noble par essence. Sous-estimé, on le réduit souvent à un consommable sans grand intérêt. Pourtant il présente de nombreux atouts pour les nouvelles constructions. En voici quelques uns :
- Design ou classique
Utilisé depuis des millénaires dans la construction, le bois n’en reste pas moins un matériau moderne. Ses multiples essences, sa facilité de transformation et de valorisation industrielle font de lui un matériau de plus en plus prisé par les architectes. Tous les styles de construction lui vont des plus design aux plus traditionnelles.
- Robuste et très résistant
Le bois est un matériau extrêmement robuste qui n’a rien à envier aux constructions dites traditionnelles en béton et acier. Souvent méconnue, sa résistance au feu est d’autant plus remarquable qu’il est traité par des techniques ignifuges modernes. Sa mise en oeuvre par des constructeurs spécialisés ajoute encore à la sécurité des maisons en bois.
De plus, la recherche en matière d’ingénierie construction bois progresse rapidement, différentes techniques existent : chaque système présente des avantages spécifiques et doit être choisi en fonction des caractéristiques du projet.
- Écologique, renouvelable et biosourcé
Même s’il est plus rapide de le couper que de le faire pousser, le bois est considéré comme une ressource renouvelable. Grâce à une gestion durable des forêts, il devient une matière pérenne à haute valeur ajoutée.
Steven Ware, architecte associé au sein du cabinet Art&Build, a rappelé lors de sa conférence à la Foire 2019 que le bois fait partie des matériaux biosourcés capables de relever les défis de demain.
Il permet de :
- Passer d’une économie basée sur le pétrole à une économie régénérative
- Améliorer le vivre ensemble dans nos villes, nos villages
- Offrir dans le secteur de la construction bois des emplois de qualité, épanouissants
- Réduire nos déchets
- Offrir un logement de qualité à toutes les familles en tenant compte de l’évolution de nos sociétés (familles recomposées, ménages d’une personne, etc.)
- Plus qu’un matériau de construction
L’utilisation du bois dans les infrastructures publiques ou privées, dans le logement individuel mais surtout collectif et multi-étages présente aussi d’autres avantages. Elle permet de fabriquer de la valeur écologique, de réconcilier l’homme avec son habitat, de le faire évoluer dans un milieu plus naturel, plus acteur de sa santé mais aussi plus moderne, plus esthétique, plus confortable et design.
Toutefois, si la construction bois présente ces nombreux atouts, elle ne doit pas être abordée de façon intégriste. Le bois doit aussi être réfléchi en combinaison avec d’autres matériaux.
Que pense le grand public de l’utilisation du bois?
Déjà en 2005, la filière bois était au centre des préoccupations de la Foire de Libramont. C’est pour cette raison, que 15 ans après la première enquête de perception de la filière forêt bois auprès du grand public, Libramont a relancé la même enquête en 2019 (échantillon de 1000 individus représentatifs en communauté Wallonie-Bruxelles).
Les résultats continuent à montrer un décalage entre la perception du rôle de la forêt et son utilisation :
- La principale fonction qui est attribuée à la forêt par les interrogés est celle de cadre aux activités de détente : promenade, jogging, etc. Cela impacte fortement la vision des autres fonctions de la forêt et en particulier la fonction productive qui est explicitement rejetée par 40 % des répondants qui considèrent qu’il faudrait interdire l’abattage des arbres.
- Un belge francophone sur 3 est prêt à envisager positivement l’usage du bois dans la construction de son logement. Les principaux obstacles sont des croyances qui ont été largement démontées scientifiquement mais qui restent tenaces. Ainsi, près de 20 % des répondants pensent que le bois est moins résistant à l’incendie que d’autres matériaux.
Un travail de communication et de valorisation de la filière bois est, plus que jamais, nécessaire pour faire tomber ces idées préconçues et accélérer l’usage du bois dans les nouvelles constructions.
Le bois wallon, une mine d’or locale
Un autre atout essentiel du bois de construction est qu’il est produit dans nos régions et n’est pas délocalisable. L’exploitation de nos forêts wallonnes est une importante source d’emplois en région rurale.
La Wallonie dispose de 556.000 ha de forêt représentant plus de 111 millions de m³ de bois.
Les forêts wallonnes sont productives et loin d’être surexploitées, le volume de bois disponible est en croissance et reste inférieur à l’accroissement annuel. Si l’on y ajoute le Grand-Duché du Luxembourg et le Grand-Est français, nous pouvons envisager un massif forestier assez cohérent de 2.500.000 ha et un volume de bois sur pied évalué à environ 490.000.000 m³ qui produit annuellement 15.600.000 m³ et dont on récolte aujourd’hui grosso modo 56% (soit un peu moins de 9.000.000 m³ par an).
Développer un secteur de la construction bois basé sur la grande importation serait une aberration environnementale mais aussi économique. (Un simple exemple : nos compatriotes flamands ont une balance commerciale négative de 844.000.000 € en ce qui concerne les principaux produits bois.).
Changer de paradigme pour mieux valoriser notre filière bois
Comme le souligne notre Commission “Forêt Bois”, pour convaincre encore plus de promoteurs immobiliers et leurs clients, il faut sortir de comparaisons basées uniquement sur un coût au m² et mettre en avant un modèle de commercialisation basé sur l’ensemble du cycle de vie en intégrant le coût de construction, les coût d’usage (chauffage,…), les possibilités de modularité et le coût de déconstruction/recyclage.
L’immeuble en bois doit se différencier des bâtiments « classiques » et incarner un nouveau rapport à la ville, à la nature, à la construction et à l’aménagement intérieur et extérieur. Pour amener des acheteurs, jeunes, à la recherche de nouveaux modes de vie et de consommation à s’intéresser à l’achat de logement dans des immeubles en bois, il faut les étonner, les émerveiller, etc.
Le défi est donc bien plus global que de gérer la concurrence qui existe entre les différents matériaux : il faut inventer un modèle économique, social, technique et environnemental pour convaincre.
Nul doute que notre industrie du bois va continuer à se développer, à innover, à attirer des talents. Le monde forestier doit, quant à lui, garantir un approvisionnement avec des volumes, des quantités et des prix qui assurent un revenu aux uns et une matière première de qualité aux autres.
A Libramont, forts des rencontres et de l’élan insufflé lors de la Foire de 2019, nous sommes convaincus qu’il est possible, en continuant à solliciter la filière forêt – bois, de développer un véritable cercle vertueux au service des tissus économiques locaux, du développement durable et du lien entre les hommes… pour une autre conception du vivre ensemble.