Interview de François Collard
Interview de François Collard: Ingénieur Agronome et Directeur des achats bois chez Barthel Pauls SA
Monsieur Collard, ingénieur agronome et directeur des achats pour la scierie Barthel Pauls SA est interviewé par Thierry Delperdange à l’occasion de la Foire de Libramont 2019. Ensemble, ils échangent sur le thème “Qui construira nos villes de demain?” et sur le métier d’acheteur bois aujourd’hui.
De plus en plus de constructions en bois
Acheteur bois expérimenté, Monsieur Collard voit d’un très bon oeil la montée en puissance de la construction en bois dans nos régions. Il est convaincu que ce type d’habitat, déjà largement majoritaire dans le nord de l’Europe ainsi qu’en Amérique, deviendra de plus en plus présent chez nous et ce, pour 4 raisons principales :
- le bois est moins cher et sa mise en oeuvre est plus facile
- les constructions en bois sont des pièges à CO² et permettent son stockage à long terme
- le bois est un très bon isolant
- les habitations en bois sont agréables à vivre et chaleureuses
Chute des volumes de bois disponibles dans nos forêts wallonnes
Toutefois, Mr Collard constate que la politique de gestion de nos forêts wallonnes ainsi que les différentes crises du bois provoquent une chute du volume de bois disponible à l’achat dans nos régions. Il faut donc aller de plus en plus loin pour répondre à la demande et aux besoins des scieries.
En Wallonie et plus généralement en Europe, il estime que les cultures d’arbres, particulièrement les résineux, sont progressivement menacées par l’extension des réserves naturelles, par la réintroduction d’espèces animales comme le castor et par l’introduction des feuillus.
Les forêts subissent aussi des épidémies probablement accentuées par les changements climatiques. Ainsi, le Directeur Achats explique que l’épidémie de scolytes qui sévit depuis 2 ans dans nos cultures d’épicéas devrait commencer à s’éteindre naturellement. Par contre, il est inquiet par la percée d’autres maladies cryptogamiques dont les champignons attaquent déjà le douglas, le frêne et qui présentent aussi des risques pour le mélèze ou le chêne.
Depuis le début de sa carrière, Mr Collard a vu la production locale chuter. “60.000ha de résineux ont été transformés en autre chose sur les 30 dernières années” dit-il. “600.000m³ de bois sont produits en moins par an par rapport à 1985 ce qui, sur 3 millions, est loin d’être négligeable.”
Acheter du bois de plus en plus loin
Mr Collard explique qu’il est donc amené à aller chercher le bois de plus en plus loin. Estonie, Russie, Norvège, Espagne, Sud de la France sont les pays et régions qu’il visite le plus. Le métier d’acheteur bois a donc fortement évolué. “Il faut presque devenir logisticien et connaître les prix des transports par chemin de fer et bateau” s’amuse-t-il à souligner.
La forêt s’adapte aux changements climatiques
Sur la question du climat, Mr Collard compare les changements à une migration géographique. Il explique qu’une variation de 0,6° à 1° correspond à 100m d’altitude. Les espèces vont donc se “déplacer” et monter en altitude au fur et à mesure du réchauffement. Pour lui, le douglas est une espèce à privilégier car son aire naturelle s’étend de la Californie à l’Alaska ce qui le rend facile à acclimater chez nous et plus résistant aux changements qu’une espèce comme l’épicéa.
Le bois de nos forêts a perdu de la valeur
Le bois, comme toutes les matières premières agricoles, a perdu beaucoup de valeur chez nous ce qui rend les exploitations forestières locales moins rentables. En 1950, il fallait 1ha d’épicéa pour construire une belle maison maintenant il en faut 10. Les prix du bois dans les pays de l’Est sont beaucoup moins élevés et donc plus avantageux pour les scieries.
Les perspectives
Malgré ces observations, Mr Collard se veut optimiste sur l’avenir de son métier. Il encourage les jeunes acheteurs à s’intéresser à ce qui se passe hors de nos frontières afin de continuer à satisfaire notamment la filière de la construction bois de plus en plus demandeuse.